DGTM GUYANE

La Cellule de Veille Hydrologique (CVH)

publié le 24 septembre 2014 (modifié le 26 octobre 2021)

Suite aux inondations du Maroni de 2006 et 2008, et à l’étiage généralisé de 2009 qui a menacé l’alimentation en eau potable des communes du littoral guyanais, la DEAL Guyane, la Direction Interrégionale Antilles-Guyane (DIRAG) de Météo France et le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (SCHAPI) ont engagé dès 2010 une démarche pour la création d’une Cellule de Veille Hydrologique (CVH) en Guyane.

La CVH vise à prévoir les risques d’inondations et d’étiages sur les secteurs à enjeux afin d’avertir la Préfecture suffisamment tôt pour anticiper les conséquences de ces phénomènes et prendre les mesures de gestion de crise nécessaires.

Les derniers évènements marquants


Les crues

La crue de 2006 a été d’occurence centennale à Maripasoula, celle de 2008 d’occurence centenale sur le bas Maroni (Apatou). La crue de 2011 bien que débordante a été plus modérée.

La crue de 2008 a inondé 90 villages sur 100 km de fleuve. Elle a conduit à devoir évacuer plus d’un millier de personnes. Elle a notamment eu des conséquences sur des enjeux indirects touchés comme : des eaux brutes devenues impropres à la consommation, la dégradation de l’autonomie alimentaire par ennoyage des zones de culture…

Les étiages

Les deux derniers évenements les plus importants sont l’étiage du Maroni de 2004 et l’étiage généralisé sur la Guyane en 2009.

Les enjeux sont liés à l’alimentation en eau potable des trois principales zones urbaines : la Communauté d’Agglomération du Centre Littoral (120 000 habitants), Kourou (25 000 habitants), Saint-Laurent-du-Maroni (20 000 habitants). Les usines de pompage proches de la cote sont soumises à des intrusions salines, dues à une remontée du front salin en cas de forte marée.

En 2004, à Saint-Laurent-du-Maroni, le réseau d’Adduction en Eau Potable (AEP) a ainsi été contaminé par de l’eau salée pendant plusieurs jours. Il a été nécessaire d’effectuer la distribution d’eau potable par camion citerne.

En 2009, pour pallier la crise, il a été nécessaire d’engager la construction d’un bassin de stockage en urgence sur la Comté (10 000 m3, 650 000 euros), de mettre en place un stockage d’eau brute par bâches souples (1 400 m3, 100 000 euros) et d’acheminer des moyens mobiles de pompage d’eau brute (sécurité civile).

Outre les problèmes d’eau potable, les forts étiages engendrent des problèmes de navigation et de ravitaillement des communes isolées du fleuve : obligation d’acheminer des fûts de gazoil par hélicoptère (EDF).

Les missions de la CVH


Les missions de la Cellule de Veille Hydro-météorologique peuvent se définir selon trois axes principaux :

  • la surveillance des crues ;
  • la surveillance des remontées salines sur les cours d’eau lors de la saison sèche ;
  • l’amélioration de la connaissance du fonctionnement hydrologique des cours d’eau guyanais.

Les enjeux les plus importants en termes de crue se situent sur le Maroni. Il a donc été décidé dans un premier temps d’effectuer la surveillance des crues uniquement sur ce bassin versant. La surveillance de ce cours d’eau est particulière puisque le Maroni est un fleuve transfrontalier avec plus de 40 % du bassin versant se situant coté surinamais.

La surveillance des remontées salines dans les cours d’eau ne concerne que les fleuves équipés de stations de pompage alimentant en eau potable les principales villes du littoral à savoir : le Maroni, le Kourou et la Comté. Le danger provient du cumul de deux effets : une forte baisse des débits liés à une saison sèche marquée et une marée importante. Lorsque ces conditions sont réunies, les eaux saumâtres peuvent remonter loin à l’intérieur des terres jusqu’aux prises d’eau et contaminer le réseau d’eau potable.

L’amélioration de la connaissance hydrologique, se scinde essentiellement en deux activités :

  • la caractérisation du fonctionnement des cours d’eau ainsi que leurs réactions aux contraintes climatiques sur le long terme,
  • le développement d’outils permettant de prévoir les caractéristiques des cours d’eau ne faisant pas partie du réseau d’observation.

Ces outils se développent à partir d’analogies faites sur les bassins versants observés. C’est pour ça qu’il est important de bien définir le réseau d’observation [1] pour qu’il englobe l’ensemble des typologies rencontrées en termes de fonctionnement hydrologique.
Toutes les données issues de cette activité d’amélioration de la connaissance hydrologique sont absolument nécessaires à tous les projets d’aménagement (caractérisation des niveaux de crues, des débits d’étiage…) aussi qu’aux contrôles effectués dans le cadre de la Police de l’Eau.

La surveillance : vigilance et prévision


Les services en charge de surveiller l’aléa hydrologique sont organisés en fonction de deux activités principales : l’évaluation des niveaux de vigilance et la prévision des crues (qui peut être étendue à la surveillance des étiages).
Les caractéristiques des données pluies nécessaires aux deux activités ne sont pas forcément les mêmes.

L’objectif de la vigilance est de caractériser un niveau de risque vis-à-vis de l’aléa hydrologique (crue ou étiage sévère) afin d’alerter le public et les acteurs de la gestion de crise. La vigilance est destinée à informer tous les publics intéressés, particuliers, ou professionnels, sous une forme simple et claire. Elle est aussi destinée aux pouvoirs publics en charge de la sécurité civile (préfets et maires), qui déclenchent l’alerte lorsque c’est nécessaire et mobilisent les moyens de secours. La vigilance crue est fondée sur les mêmes principes que la vigilance météorologique mise en place par Météo France depuis 2001 avec 4 niveaux d’alerte (vert, jaune, orange, rouge).
L’établissement de la vigilance se fonde essentiellement sur des données météorologiques et la propagation amont-aval des crues.

La prévision est la modélisation des quantités caractérisant l’aléa hydrologique. Contrairement à la vigilance dont le seul but est de caractériser un niveau de danger, la prévision a pour but de déterminer les caractéristiques quantitatives prévisibles de l’aléa : le débit, le niveau d’eau, le moment de l’apparition et la durée de l’aléa.
Afin de réduire l’incertitude sur le résultat des modèles, la prévision utilise essentiellement des données mesurées et travaille donc à la « pluie tombée ».
Les missions de la CVH sont formalisées dans le Schéma Directeur de Prévision des Crues et des Etiages (SDPCE) téléchargeable en bas de page.

Le réseau de surveillance


La restructuration du réseau DEAL a débuté en 2012. Le réseau actuel comporte 16 stations. Des extensions du réseau sont à l’étude sur le haut Maroni (Antecum Pata).

Le programme se décline de la façon suivante :

Pour la surveillance des crues sur le Maroni : démarche en cours avec les autorités surinamaises pour installer une station sur le Tapanahony. Cette rivière est l’affluent le plus important du Maroni avec 30 % des apports en crue, l’enjeu est donc de taille quant à la quantification de ces apports pour la surveillance des crues. Deux autres stations, une à Papaïchton, l’autre sur le Tampock doivent permettre de renforcer la surveillance.
Pour la surveillance des étiages et des remontées salines : les stations de surveillance des débits sont déjà en place sur le Maroni, le Kourou et la Comté. Il manque à installer les stations de contrôle de la salinité.
Pour la connaissance patrimoniale sur l’Oyapock : suivant les scénarios envisagés une ou deux stations supplémentaires permettront de compléter la surveillance de ce fleuve. À souligner que la surveillance de ce cours d’eau participe à des programmes internationaux de suivi des débits et de transit sédimentaire.
Pour le réseau de surveillance des petits cours d’eau : les deux anciennes stations de la Tonnégrande et de l’Orapu vont être réactivées. Pour compléter ce suivi, il sera nécessaire de définir quatre autres emplacements en tenant compte des contraintes de déplacement.

La montée en puissance opérationnelle de la CVH


Améliorer la connaissance

Des études sont en cours pour améliorer l’estimation des pluies par observation satellitaire. L’intérieur du territoire est peu couvert par le réseau d’observation de Météo France alors que c’est sur ces territoires que sont engendrés les pénomènes climatiques porteurs de crise.

La poursuite de l’amélioration de la connaissance des enjeux et seuils de vigilance sur les bourgs isolés du Maroni (commune de Papaïchton et Grand Santi) est en cours.

Acquérir les outils de prévisions temps réels

La cellule s’équipe désormais d’outils de prévision adéquats. La direction Normandie - Centre du CEREMA (Centre d’Etude et d’expertide sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement) mène actuellement une étude pour la réalisation de modèles hydrologiques de prévision des crues sur le Maroni.
Un projet du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) est également en cours afin de modéliser la remontée des eaux salées dans les estuaires et les cours d’eau intérieurs.

Améliorer la connaissance hydrologique

Le développement d’un logiciel comme Morph’Eau permet de calculer les variables hydrologiques [2] qui sont un élément essentiel pour l’étude des projets Loi sur l’Eau.

Le développement d’une méthode de calcul des débuts de crue statistique sur les bassins versants non jaugés, c’est-à-dire pour lesquels les données de débit sont insuffisantes, à cause d’un accès difficile.

Extension du réseau de suivi hydrométrique au Suriname

Afin d’améliorer son réseau de mesure et la prévision des crues la Cellule de Veille Hydrologique de la DGTM a co-piloté à une mission avec le Suriname pour l’installation d’une station sur la rivière Tapanahony. Cette rivière est l’affluent principal du Maroni et représente 38 % du bassin versant à la confluence.

Après avoir rencontré les autorités coutumières des villages de la Tapanahony, mardi 19 octobre 2021, il a été permis aux partenaires présents de choisir le site le plus adapté pour installer une station hydrométrique franco-surinamaise, en amont du saut « kio kondé soula », celle-ci a d’ailleurs naturellement été baptisée du nom du saut.

La station va rejoindre le réseau français pour le suivi des fleuves. Ses données seront disponibles sous peu sur le site www.hydro.eaufrance.fr et dès la prochaine mise à jour (début 2022) sur le site www.vigicrues.gouv.fr.

Les données recueillies viendront également alimenter le bulletin hydrologique journalier produit par la plateforme bio-plateaux (www.bio-plateaux.org) au même titre que les données transmises par les stations guyanaises.

Cela représente l’aboutissement de plusieurs années de travail à la DEAL puis DGTM et a été possible dans le cadre du projet BIO-PLATEAUX qui a permis de rencontrer les acteurs pertinents côté Surinamais.

Participaient à cette mission :

L’Office de l’Eau de Guyane (OEG),
La Direction Générale des Territoires et de la Mer (DGTM),
L’État-Major Interministériel de la Zone de défense et de sécurité de Guyane (EMIZ),
L’Office International de l’Eau (OiEau),
L’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, de l’Alimentation et l’Environnement (INRAE),
Le Ministère des Travaux Publics du Suriname

Des réflexions similaires sont en cours côté Oyapock avec le Brésil et l’État de l’Amapa, d’autres missions de ce type sont donc à prévoir.

[1La DEAL possède un réseau de mesures hydrométriques réparties sur son territoire. Plus d’informations sur l’article dédié

[2Le logiciel Morph’Eau permet de calculer les variables hydrologiques telles que le QMNA5, c’est-à-dire le débit minimum mensuel à période de retour 5 ans.